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selloum village kabyle
24 septembre 2007

Histoire de Abderahmane Mira

                                                               Histoire de Abderahmane Mira

Abderahmane_MiraAbderrahmane Mira est né pendant la période coloniale en Algérie en 1922 à Bounda, pas loin de son village d’origine Taghalat, douar de Beni Mellikèche (Hauteurs de Tazmalt, pas loin d’Akbou) en Kabylie. Orphelin de père, il est pris en charge par son cousin Salem, dit Akli (Né en 1890). A l’âge de 12 ans, il rejoint à Annaba (ex Bône), son frère aîné Amar Mira (Né en 1913, tombé au combat en 1956 près de M’sila lors d’une opération dirigée par Abderrahmane). Puis il quitta le pays à l’âge de 18 ans pour son premier voyage en métropole (France).

De retour en Algérie, il effectua son service national obligatoire au sein de l’armée coloniale française. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il s’établit comme ouvrier métallurgiste à Nancy et, en 1949, il achète, en association de biens avec un de ses amis, un petit bistrot en région parisienne à Aubervilliers, sis 42 boulevard Félix Faure.

C’est en pleine ascension sociale qu’il adhère au MTLD (mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), soit en 1949. En septembre 1954, il vend ses biens et se rend en Algérie pour former des groupes et prendre part à la lutte armée qui était inévitable. Connu pour être un militant nationaliste actif, et pour avoir participé à une manifestation locale demandant la libération des détenues politiques, la gendarmerie coloniale de Tazmalt lui retire sa carte d’identité.

A l’aube de la Guerre de Libération Nationale du 1er novembre 1954, Abderrahmane Mira perpètre les premiers attentats contre l’ennemi dans son douar d’origine. Il se rend ensuite à Alger afin de prendre contact avec un ex-chef MTLD de la section de Tazmalt, Larbi Oulebsir. Ce dernier, depuis le 5 novembre 1954, est devenu membre du CNR du MNA (Mouvement National Algérien, parti rival du FLN. Fondé par Messali Hadj). il lui tient un langage ambigu sur la déflagration du 1er novembre. C’est alors que vers décembre 1954, par l’intermédiaire d’un militant de la section MTLD de Tazmalt, Mira rencontre Krim Belkacem, co-fondateur du FLN (Front de Libération National) et premier chef de la Zone 3 (Kabylie). Dés lors, il entreprit les premiers contacts avec des militants de sa région pour le compte du FLN. En avril 1955, il eut une dernière entrevue avec Larbi Oulebsir, lequel est venu s’enquérir de la transformation de la situation politique dans la région par l’émergence du FLN. C’est le soir même que Mira rencontre un autre chef de l’ALN (Armée de Libération Nationale. Bras armé du FLN), Amirouche Aït Hamouda, au village d’Ivejiouène au douar de Beni Mellikèche, pour coordonner et organiser les opérations militaires dans la vallée de la Soummam. Cet évènement fut décisif dans le basculement de la basse Kabylie en faveur du FLN.

Le 15 mars 1956, à la tête de 350 Moudjahidine, Mira réussit à effectuer la première liaison entre les troupes des Zones 3, 4 et 5 dans la région de Bou Saada (l’appellation Zone a été remplacée par Wilaya après le Congrès de La Soummam, tenu le 20 Août 1956). Pour cette action, il est décoré de la médaille de la résistance, une des premières attribuées sur le champ de bataille. En 1957, à la mort du colonel Ali Mellah dit Si Cherif, chef de la Wilaya 6 (Sud), Abderrahmane Mira est dépêché par la Wilaya 3 pour assurer son remplacement. C’est là, qu’il est élevé au grade de Commandant. Cette période était particulièrement marquée par les affrontements FLN d’une part et le MNA d’autre part. Atteint d’une dysenterie, il se replie en Wilaya 3 pour se soigner avec quelques hommes qui ont survécu aux affrontements. On lui propose le commandement de la Wilaya Sud, qu’il refuse. Fin juin 1957, Si El Haoues lui succède.

En septembre 1957, à l’appel de Krim Belkacem, qui lui portait beaucoup d’estime, Mira part en Tunisie où il assure la fonction d’Inspecteur militaire aux frontières. En février 1959, avec une demi-section (13 personnes), il contourne la ligne Morrice (ligne électrifiée séparant la frontière algéro-tunisienne) par le Sud tunisien pour revenir dans la Wilaya 3 pour y assurer, après désignation par l’Etat-Major du FLN à Tunis, l’intérim du Colonel Amirouche (Chef de la Wilaya 3, depuis le départ du Colonel Mohamedi Saïd à l’Académie Militaire d’Egypte en 1957), convoqué par l’organisation extérieure (Propos du Colonel Mohamedi Saïd recueillis par mon père, Smaïl Mira) afin de s‘expliquer sur l’exécution sous ses ordres de 3200 hommes, civils et militaires, accusés à tort de trahison et d’appartenance à ce qu’il a été appelé « la bleuite » (Opération de manipulation montée par les Services Secrets français à la fin des années 50, qui a déclenché une purge dévastatrice au sein de l’ALN) [Voir Annexes].

Mira arrive en Kabylie à la mi-mars. Le 22 Mars, aux PC de la Wilaya 6, Amirouche envoie une lettre au comité de la Wilaya 3 pour les informer de la situation et de l’arrivé de son successeur, et rédige un autre courrier pour ce dernier (SHAT : Informations écrites par Amirouche lui même dans son agenda personnel récupéré après sa mort, 1H1700-1 et évoqué également dans le Dossier Mira, chef de la Wilaya 3, 1H3418-3) [Voir Annexes].

Le 28 Mars 1959, l’ALN vient de perdre deux de ses plus grands officiers supérieurs au cour d’une bataille sanglante au lieu dit « Djebel Thamer » à 70 kms Est de Bou-Sâada. Elle opposa plusieurs unités de Parachutistes de l’armée ennemis commandées par le Colonel Ducasse & le Lieutenan-colonel Watel aux forces du 1er Bataillon des Tireurs de Armée de Libération. A la fin de la journée, le combat qui dura depuis l’aube est rompu : 55 Martyrs et 17 prisonniers. C’est là que le Comandant Omar Idriss a avoué juste avant sa mort la présence des deux corps des chefs historiques Si El Haoues et Amirouche parmi les morts.

Le Tigre de la Soummam succède définitivement au Colonel Amirouche après une période d’intérim d’un mois, assurée conjointement avec Mohand Oulhadj, l’adjoint de l’ex-Chef de Wilaya, un homme d’un certain âge (48 ans), ancien commerçant et fraîchement débarqué au rang de l’ALN (Fin 1955, Commandant depuis Juin 1958). Mohand Oulhadj, le remplaçant désigné par Amirouche avant son départ pour Tunis devient ensuite second du remplaçant désigné par l’Etat-Major du FLN.

Particulièrement virulent à l’égard de l’affaire de la bleuite [Voir Annexes] qui a décimé l’Elite et les Instruits de la Wilaya 3, Mira expulse le Commandant Mahyouz et Tahar Amirouchène (membre du conseil de la Wilaya 3), ordonne l’arrêt immédiat des tortures et libère les derniers prisonniers.

Au mois d’Août 1959, au moment où il assure effectivement la réalité du pouvoir de la Wilaya 3, il fait face à la plus grande campagne militaire française jamais déployée en Algérie, « l’Opération Jumelle », et le mois de septembre, à une tentative de dissidence de la Zone 2 de la Wilaya 3 appelée « l’affaire des officiers libres ». Mira, ayant un tempérament de battant, ne se résigne pas à la défaite. Il envoie deux compagnies se ravitailler en armes en Tunisie et demande l’aide appropriée. La première, sous la conduite du Capitaine Sahnoun Abdelkader (Abdelkader El Bariki), est décimée prés d’Annaba, à son retour de Ghardimaou (Tunisie). La seconde ne reviendra pas.

Entre temps, à la faveur d’une embuscade tendue par le 2ème RIMA (Régiment d’Infanterie Marine Aéroporté), commandé par le Capitaine Tréguer, près du col de Chellata au nord d’Akbou, Abderrahmane Mira « le Tigre de la Soummam » tombe au champ d’honneur le 6 novembre 1959 alors qu’il était en partance pour le conseil de la Wilaya 3.

Et de là, sa dépouille a été transportée dans un hélicoptère pour l’exposer dans quelques villages de la région, et le dernier a été son village d’origine Taghalat, douar de Beni Mellikèche, afin de montrer quel sort attendait toutes les personnes essayant d’enfreindre les lois de la République et pour les affaiblir en voyant le sort de leur chef. [Voir Photos] Après que tout le monde l’ait vu, ils l’ont remis dans cet hélicoptère pour une destination inconnue. Cette méthode qui consistait à exposer les dépouilles des officiers de l’ALN et de les faire disparaître était souvent pratiquée par l’armée française de l’époque pour les raisons citées ci-dessus.

Le 1er novembre 1984, l’Algérie indépendante le décore, à titre posthume, de la plus haute distinction de la nation : « la médaille du Martyr ». Le 10 novembre 1986, le ministère des Moudjahidine rectifie son grade de commandant en celui de Colonel, car tout commandant de Wilaya porte le grade de colonel suite aux décisions du Congrès de la Soummam de 1956 .

Temoignage

Témoignages d’un Soldat français du 2ème RIMA, Pierre Dufeu, présent lors de l’embuscade tendu au Colonel Abderrahmane MIRA le 06 Novembre 1959. (Extrait d’un livre paru entre 2000 & 2003, peut être « Le Soldat du Djebel »

« JUMELLES » 1/2e RIMA (Chellata)

le 18 juillet 1959, le général Challe s’installe au col de Chellata, à 1700 mètres d’altitude, à l’endroit où rôdait l’ombre du colonel Amirouche, grand chef de la Wilaya 3, tué quatre mois auparavant, près de Djelfa. Le temps de l’installation du « PC Artois », ce fut une compagnie du 1/2° RIMA qui assura la protection de nuit.

Le 22 juillet, le général Challe lança « Jumelles ». Etant à la 1re Compagnie du 1er Bataillon du 2° Régiment d’Infanterie de Marine, j’ai participé à cette opération qui a duré de longs mois.

Nous avons eu beaucoup d’accrochages. Le jour, nous participions aux opérations et, quand arrivait la nuit, nous allions tendre des embuscades. Nous parcourions 30, 40, 50 kilomètres avec notre sac à dos de 15 kilos et plus, avec notre arme et nos munitions. C’était très dur. Il y avait une chaleur de 50° degré à supporter et, en plus, la guerre se faisait à travers la population. L’ennemi pouvait se trouver n’importe où. Quand nous passions dans les villages, personne ne disait rien ; quand nous étions plus loin, on nous tirait dans le dos. Souvent, il n’y avait que les femmes, enfants et vieillards.

« Jumelles » s’est ralenti en octobre. Le 1er Bataillon et nous, soldats de la 1er Compagnie, nous avons continué à être opérationnels et à tendre des embuscades. Si bien que, le 6 novembre 1959, entre 15 et 16 h, la 1re Section, dont je faisais partie, a éliminé le commandant Mira et son secrétaire.

Le commandant Mira, chef rebelle de la Wilaya 3, avait remplacé le colonel Amirouche. Quant il a été tué, nous ne savions pas que c’était lui. Mais le capitaine Tréger, qui était notre commandant de compagnie, se doutait que c’était un chef important ; sur ses épaulettes, il y avait trois étoiles, dans ses poches 390 000 AF et il avait une mitraillette MAT 49 avec huit chargeurs. Son secrétaire, lui, avait des grenades et un petit sac contenant des documents.

Ces deux rebelles abattus, il fallait donc savoir qui ils étaient. Nous étions à 3 kilomètres de notre camp. Nous avons pris un âne et le chef a été mis dessus ; quant au secrétaire, nous lui avons coupé la tête : le ramener tout entier aurait fait trop lourd pour l’âne. C’est en passant par le village de Chellata que nous avons entendu les femmes qui disaient : « Le commandant Mira est mort ».

Arrivés à Tizi N’Slib, à 1164 m d’altitude, notre camp, le capitaine Tréguer a fait appel à un hélicoptère pour emmener le corps à l’identification. Le soir même, nous apprîmes qu’il s’agissait bien du grand chef rebelle de la Wilaya 3. Je possède une photo de l’endroit où il a été tué, près d’un oued : « l’oued Mira ».

En janvier 1960, ce fut le référendum pour le général de Gaulle. Nous allions avec une petite urne dans les villages qui s’appelaient Fethoun, Felden, Sidi-Amar, Chellata, Elma, Medjouben. Nous devions faire voter les villageois, mais c’étaient des fatmas et des vieillards qui ne voulaient pas remplir leur « devoir de citoyen » car c’était la première fois qu’ils votaient.

Un certain nombre de rebelles sont venus se rallier à nous. Nous leur demandions pourquoi. Ils disaient : « Nous n’avons plus d’espoir de gagner la guerre et, si nous restons dans le djebel, nous avons peur des soldats français et surtout de vous, la 1re Compagnie, car vous faîtes beaucoup d’embuscades de nuit ».

On donnait aux ralliés devenus harkis 21 000 anciens francs par mois. Quand ils allaient dans leurs villages, ils distribuaient cet argent à leurs familles qui le redonnaient aux rebelles…Et ceux qui désertaient emportaient leurs armes.

Il y eu beaucoup de rebelles abattus. Mais, dans notre unité, des hommes sont morts aussi : nous avons eu 4 capitaines de tués dans le 1er Bataillon durant mon séjour, dont le capitaine Blanchard et le capitaine Mesmin.

Pierre Dufeu Livré-sur-Changeon

                                                                                             reporté par djamel slimani

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