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selloum village kabyle
16 avril 2009

Le royaume de KOUKOU

                                 Le royaume de KOUKOU (Tahar OUSSEDIK)

    Les sujets de Sidi Amer Ou El-Qadi craignaient beaucoup de provoquer sa colère car il n'hésitait pas à torturer même pour des motifs futiles. Pour mieux assouvir son sadisme, il avait aménagé une courette où il soumettait les «coupables» à un cruel supplice. Elle était entourée d'un mur bâti dans le but de soustraire aux regards des curieux les pénibles séances qui s'y déroulaient. Au milieu de l'espace ainsi délimité, il avait fait planter quatre pieux formant un rectangle de la grandeur d'un homme de belle taille. On déshabillait la victime et on l'étendait entièrement nue, le dos contre le sol. On ligotait à l'aide d'une courroie en cuir chacun de ses membres à un piquet et on l'exposait au soleil pendant toute la journée. Rôti lentement et à petit feu, le malheureux supplicié souffrait beaucoup et il lui arrivait de souhaiter la mort lorsque les séances se répétaient.

Un jour, les malheureux paysans crurent pouvoir améliorer leur situation en évitant toute rencontre avec le monarque et surtout ses hommes d'armes. Cette conduite simpliste et naïve consistait à faire le vide devant les autorités dans l'espoir de se dérober aux sévices. Mais ils durent bientôt déchanter car les agents de la force publique se présentaient toujours au moment où ils s'y attendaient le moins. De guerre lasse, les sages et les anciens se rassemblèrent et allèrent trouver Sidi Mançour, le grand maître de la zaouia de Timizar et lui demandèrent assistance et protection. Ce savant, théologien de l'Islam, était appelé El Djennadi en raison de son installation en territoire des Béni-Djennad (At Jennad). Il est en réalité originaire d'El-Mniaâ (El-Goléa) qu'il avait quitté en compagnie de quarante condisciples et gagna la Kabylie où il se fixa. La population le reçut chaleureusement, elle lui fit don d'un champ d'une grande superficie et elle l'aida à construire une université coranique à Timizar. De nos jours, lorsqu'un habitant de la région est appelé à prêter serment il le fait toujours en disant : « Je jure par Sidi Mançour et les quarante Imniênne » (Les habitants de Mniaâ).

Quand les délégués se présentèrent devant l'homme de religion, ils lui relatèrent les exactions qu'ils subissaient et le prièrent de les conseiller.

« Mes enfants, leur expliqua-t-il, les contraintes que vous endurez sont le fruit de votre comportement. Dès que le souverain vous convoque, vous vous empressez d'obéir pour vous plier au moindre de ses désirs. Il connaît la faiblesse de votre caractère qui a fait de vous des pleutres et il sait vous exploiter. Vous devez apprendre à résister au sentiment de la peur pour vous comporter en hommes courageux et dignes. A l'avenir, lorsqu'il vous mandera, faites la sourde oreille, laissez-le venir à vous et s'il entre en effervescence, dites-lui que c’est moi qui vous ai recommandé d'observer une telle attitude. »

Si Amer Ou El­ Qadi ne tarda pas à être mis au courant de cette concertation. Interrogées, les personnes suspectées avouèrent leur participation à la réunion au cours de laquelle ils sollicitèrent l'appui de Sidi Mançour. Le roi, rendu inquiet par l'éclosion de cette tendance à la désobéissance civile, résolut de s'entretenir à ce sujet avec le maître de la zaouia. Il enfourcha sa jument et se dirigea au trot vers El-Hammam, lieu où le marabout avait élu domicile. Lorsqu'ils se repérèrent de loin, les deux hommes se portèrent à la rencontre l'un de l'autre. Puis ils s'abordèrent, se dirent des banalités et ne firent aucune allusion au motif qui les préoccupait. Le religieux orienta ensuite la conversation et, à brûle-pourpoint, il lui posa la question suivante:

-    Mon seigneur, j'ai appris que vous êtes allé souvent à Alger. Qu'avez-vous remarqué de surprenant dans cette ville ? Qu'est-ce qui a pu attirer votre attention ?

-    La grande capitale, répliqua l'interpellé, est une belle cité qui me plaît beaucoup. Je passe mon temps à admirer ses maisons blanches, ses rues animées et ses boutiques bien achalandées.

-    En ce qui me concerne, répliqua Sidi Mançour, il n'y a qu'une seule personne qui retient mon attention. C'est un fou qui se promène nonchalamment en criant: «Attention ô étourdi ». «Balak à Lghafe !». Cette observation, qui lui était destinée et qu'il sentait chargée de menaces, incita Si Amer Ou El-Qadi à réfléchir. Il demeura cloué sur place, la mine pâle, le front barré de rides, puis, il prit congé du saint et retourna sur ses pas. Il progressait lentement, pensif et insensible à tout ce qui l'entourait. Entendant marcher derrière lui, il tressauta et fit volte-face, son regard rencontra celui d'un vieillard qui se courba et le salua humblement.

-    Que veux-tu ? s'écria le souverain.

-    Mon maître, Sidi Mançour, m'envoie pour te prévenir que tu cours un grand danger. Et il m'a ordonné de t’avertir que tes jours sont comptés et que tu vas mourir dans très peu de temps.

Cette prophétie inattendue l'ébranla sérieusement, il regretta amèrement ses fautes et se promit de redevenir meilleur ; mais …

                                                                                                           par lounes ajennad

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