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selloum village kabyle
1 octobre 2007

Le pape et l’islam

                                              Le pape et l’islam

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             Maladresse ou propos calculés ?

     L’on pouvait s’attendre à tout sauf à une déclaration comme celle du pape Benoît XVI. Que Georges W. Bush parle de «fascisme islamique», cela n’étonne point. Mais que le pape s’attaque à l’islam avec une telle virulence, dans un moment de grande fébrilité dans la monde arabo-musulman, après la série de caricatures insultantes envers le Prophète Mohamed (QSSL), la guerre contre le Liban, l’Irak, la Palestine et le reste, c’est soit de l’ignorance ou alors une volonté délibérée de susciter des réactions très violentes dont le seul but est de «convaincre» du bien-fondé d’une lecture raciste et xénophobe qui considère l’islam et les musulmans comme «violents par nature».

Que le chef suprême du Vatican condamne le terrorisme, c’est tout à son honneur, c’est même son droit et son devoir de le faire en tant qu’homme de religion. Qu’il le fasse seulement du point du humain, c'est-à-dire sans stigmatiser les terroristes musulmans et sans aller plus loin que ce qui est permis chez les bien-pensants de ce monde en ce qui concerne l’Etat terroriste d’Israël qui tue tous les jours femmes, enfants, jeunes et moins jeunes, démolit les maisons et arrache arbres et cultures. Le pape est en droit de refuser l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne au nom de la «chrétienté de l’Europe» comme il est libre de rencontrer Oriana Fallaci. Mais le pape n’a pas le droit de porter un jugement de valeur sur une autre religion que la sienne et, de surcroît, en prenant le risque de choquer des centaines de millions d’adeptes.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, rappelons d’abord les propos de Benoît XVI (de son vrai nom Joseph Ratzinger) dans son discours intitulé Souvenirs et réflexions prononcé à l’Université de Ratisbonne (Allemagne) face aux «représentants de la science»*.

«(…) J’ai lu une partie du dialogue publié par le professeur Khoury (de Münster) entre l’empereur byzantin lettré Manuel II Paléologue et un savant persan dans le camp d’hiver d’Ankara en 1391, sur le christianisme et l’islam, et sur leur vérité respective. (…) Le dialogue s’étend à tout le domaine de ce qui est écrit dans la Bible et dans le Coran au sujet de la foi ; il s’intéresse en particulier à l’image de Dieu et de l’homme, mais aussi au rapport nécessaire entre les "Trois Lois" : Ancien Testament – Nouveau Testament – Coran. (…) Il s’adresse à son interlocuteur d’une manière étonnamment abrupte au sujet de la question centrale du rapport entre religion et contrainte. Il déclare : "Montre-moi donc ce que Mohammed a apporté de neuf, et alors tu ne trouveras sans doute rien que de mauvais et d’inhumain, par exemple le fait qu’il a prescrit que la foi qu’il prêchait, il fallait la répandre par le glaive." (…) La principale phrase dans cette argumentation contre la conversion par contrainte s’énonce donc ainsi : Ne pas agir selon la raison contredit la nature de Dieu. Le professeur Théodore Khoury, commente ainsi : pour l’empereur, "un Byzantin, nourri de la philosophie grecque, ce principe est évident. Pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant, sa volonté n’est liée par aucune de nos catégories, fût-elle celle du raisonnable". (…) Ici s’effectue une bifurcation dans la compréhension de Dieu et dans la réalisation de la religion, qui nous interpelle directement aujourd’hui. Est-ce seulement grec de penser qu’agir contre la raison est en contradiction avec la nature de Dieu, ou est-ce une vérité de toujours et en soi ? Je pense qu’en cet endroit devient visible l’accord profond entre ce qui est grec, au meilleur sens du terme, et la foi en Dieu fondée sur la Bible.»

Il apparaît clairement et sans équivoque que les propos cités par le pape ont valeur d’argument. Benoît XVI s’y réfère pour étayer sa vision contre l’islam. Il s’agit d’une démarche qui ne peut être qu’intentionnelle. Comme le souligne le journaliste américain Rob Kall (http://www.opednews.com), «le pape n’est pas stupide. La référence au passage qui a provoqué la colère des musulmans n’était pas un accident. C’était calculé, une stratégie intentionnelle destinée à aider George Bush et les républicains pour les élections de 2006, comme l’église catholique avait systématiquement aidé Bush et les républicains lors des élections de 2004, lorsque des Cardinaux et des Bishops s’étaient attaqué à Kerry». Sachant d’avance quelle serait la réaction des musulmans, «ce discours est destiné à dresser les plumes du ou des chrétiens américains, pour intensifier la crainte du terrorisme musulman, renforcer la croyance que 1,1 milliard de musulmans complotent contre les Américains», ajoute-t-il.

Le pape et la raison

Mais, comme le suggère, à juste titre, Tariq Ramadan, la réponse au pape ne doit être ni violente ni superficielle. Pour lui, les musulmans ne doivent pas rater cette occasion pour rappeler au monde certaines vérités historiques. Pour lui, le Pape Benoît XVI, en tant que «brillant théologien», cherche à «poser les principes et le cadre du débat concernant l’identité passée, présente et future de l’Europe». «Il s’agit d’un pape très européen qui appelle les peuples du continent à prendre conscience du caractère central et incontournable du christianisme s’ils tiennent à ne pas perdre leur identité». Tariq Ramadan reconnaît la légitimité du message du pape «en ces temps de crise identitaire», mais le considère en même temps comme «troublant et potentiellement dangereux puisqu’il opère une double réduction dans l’approche historique et dans la définition de l’identité européenne».

C’est à cela que «les musulmans doivent répondre d’abord en contestant cette lecture de l’histoire de la pensée européenne où le rationalisme musulman n’aurait joué aucun rôle et où on réduirait la contribution arabo-musulmane à la seule traduction des grandes œuvres grecques et romaines». La mémoire sélective qui tend à «oublier les apports décisifs de penseurs musulmans rationalistes tels que Al-Farâbî (Xe), Avicenne (XIe), Averroès (XIIe), Al-Ghazâlî (XIIe), Ash-Shatibî (XIIIe), Ibn Khaldoun (XIVe), etc. reconstruit une Europe qui trompe et se trompe sur son passé », conclut Ramadan dans sa réponse posté dans son site Web.

A lire son discours prononcé à l’Université de Ratisbonne, on croirait volontiers que la raison est, pour Joseph Ratzinger, ce que la relativité était à Einstein. Pourtant, un petit tour sur le Webet l’on découvre que cela n’a pas toujours été le cas. Passons rapidement sur son passé de membre de la jeunesse hitlérienne et sur ses liens avec les milieux nazis révélés par le Sunday Times du 17 avril 2005 (http://www.timesonline.co.uk/article/0,,2089-1572667,00.html). On apprend aussi sur le site du Réseau Voltaire (www.voltairenet.org) que le Cardinal Ratzinger a le même rapport à la «raison» que les musulmans qu’il critique. Aussi, dans un entretien accordé au Figaro (14 août 2004) il affirmait clairement que «la foi chrétienne a son mot à dire sur la morale» et, bien plus, que «la foi est une lumière pour la raison et que l'homme politique catholique doit pouvoir transmettre cette lumière dans son combat politique».

Pour le reste, il faut juste aller dans les forums de discussion sur le Web qui débattent de la déclaration du pape pour constater que même des Occidentaux reconnaissent que la déclaration de Benoît XVI est malvenue : «L'idée ce n'est pas de savoir le propos rapportés par le pape sont vrais ou faux. Discuter sur cette question engendra encore un dialogue de sourds. Ce qui aurait fait preuve de plus d'intelligence, c'est de garder ce genre d'opinion pour soi. Le pape a bien le droit d'être convaincu l'islam engendre la violence, tout comme il a le droit d'être convaincu que le soleil tourne autour de la terre... La stupidité nous rend tous égaux. Toutefois, avec un minimum de logique et une once d'intelligence, le pape aurait du comprendre que de faire ce genre de commentaire ne ferait qu'attiser les flammes au Moyen-Orient.»

                                                                                                   (*) Source : journal La Croix.

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