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selloum village kabyle
12 novembre 2007

Affaire Lounès Matoub : la partie de poker truquée de la justice algérienne

                     Affaire Lounès Matoub : la partie de poker truquée de la justice algérienne

Par: Rédaction Kabyle.com

L’affaire Lounès Matoub continue à faire couler beaucoup d’encre neuf ans après les faits. Si en Algérie, l’enquête semble s’enliser tous les jours un peu plus à chaque fois qu’un élément nouveau vient contredire la version officielle. En France, l’annulation par le maire de Paris Bertrand Delanoë du colloque prévu le 26 septembre 2007 à l’hôtel de Ville est vécue comme une injustice impardonnable faite à tous ceux et celles qui espéraient par cette initiative une hypothétique éclaircie dans le brouillard qui enveloppe cette affaire (nous reviendrons sur cette affaire dans nos prochaines éditions, après le conseil communal de Paris).

Se révolteront-ils ou s’en fouteront-ils?

C’est la question qui taraude les décideurs en place à Alger. « Ils » c’est bien sur les kabyles susceptibles de se soulever en cas de mascarade judiciaire. Malgré la désillusion, la rue de l’après printemps noir possède encore des ressources nécessaires pour obliger les autorités à rendre justice à celui qui sa vie durant n’a cessé d’être le porte voix des opprimés. Pour sonder l’opinion et anticiper les réactions d’hostilité, des fuites organisées ont filtré dans la presse privée dés le mois de juillet. Comme tout le monde le sait, l’instruction des affaires liées au terrorisme passe d’abord par les laboratoires des faiseurs d’opinions des « tabloïdes » de la presse indépendante. Les médias dits républicains, ont instauré une sorte d’essentialisme de l’information relative à la situation sécuritaire. Les enquêtes sur les meurtres d’intellectuels, d’artistes, des force de l’ordre ou de simples citoyens sont réduites à la version à la fois simpliste et naïve de recherche d’une vérité prédéfinie. Dans l’énoncé des dépêches les auteurs sont déjà identifiés sans équivoque : terroristes islamistes. Suit le mobile du meurtre généralement inhérent au combat démocratique de la victime d’une part à l’obscurantisme des bourreaux d’autre part. Déroger à cette règle c’est s’exposer au foudre de certains éditorialistes qui confondent la plume avec la gâchette. En face les quituequitistes qui n’hésitent pas à qualifier de maquisard les sanguinaires islamistes, retournés par le DRS ou encore fidèle au djihad à la Ben LADEN. Ils utilisent la lessive de marque, droits de l’homme pour laver les islamistes de leurs crimes et justifier au nom d’une légitimité populiste et d’une pseudo répression du courrant islamiste par les pouvoirs en place, le recours au terrorisme islamiste qu’ils n’hésitent pas à qualifier pour certains de résistance. Entre les deux camps, ceux qui font confiance à la police scientifique, aux indices et à l’investigation en dehors de toute influence ou marchandage politique. Ceux -là sont marginalisés au nom des intérêts des uns et des autres. L’instruction de l’affaire de l’assassinat de Lounès est l’illustration parfaite de cette guerre sans merci entre ces deux groupes d’influence. Les polémiques J.M.Rivoire- Canal+ A.H.Nordine dans la grande manip ou l’affaire A.Chenoui-M.Hammouche-Le Soir d’Algérie et bien d’autres donnent un avant-goût de ce qui attend ceux qui oseront s’aventurer dans ce panier de crabes. Le volet final de l’affaire qui consiste à livrer à l’opinion publique un petit procès clef en main qui se résumerait à présenter et juger les seuls méchants terroristes du GIA.

La manœuvre est non seulement délicate mais compliquée

Pour se faire, dans son édition du 26 juillet El Khabar rapporte que selon des sources autorisées, les assassins présumés du chanteur seraient en passe d’être transférés dans une prison à Alger ou à Boumerdès en vue de leur futur jugement. Transfert motivé selon les mêmes sources par les craintes de trouble de l’ordre public qui pèseraient sur la tenue d’un tel procès en Kabylie. Le lendemain la majorité des titres francophones reprenaient l’information et lui assurent une large audience, surtout dans cette dernière région qui constitue 80% du lectorat francophone.

Le 10 octobre le même journal récidive, il rapporte que selon le frère de l’un des prévenu, A.Chenoui le procès est programmé au tribunal de Tizi-Ouzou dans sa session criminelle prévue pour le mois de novembre de cette année. Dans cette livraison, les craintes exprimées précédemment concernant le trouble à l’ordre public se sont atténuées pour laisser places à des prévisions d’un dispositif policier impressionnant pour assurer la sécurité des lieux. Comment les journaux se sont laissés aller à de telles pratiques sans que personne ne se sente obligé de demander des comptes aux rédactions qui ont orchestré une manœuvre qui a tout a fait l’air d’une machination politique. Avant tout, la question est d’ordre déontologique, un journaliste a l’obligation de vérifier les informations qu’ils diffusent. Si pour des raisons X ou Y l’information rapportée s’avère inexacte, l’auteur doit éclaircir l’opinion sur les dernières évolutions ou rebondissement de l’affaire, et dénoncer dans le cas échéant ceux qui l’ont induit en erreur. Sous cet angle de vue, les journalistes d’El Khabar se sont rendus coupables de manipulation de l’opinion en prêtant leurs colonnes aux analystes du DRS.

C’est dans ce climat sous extrême influence que la sœur du chanteur Malika.M a lancé un pavé dans la mare en rendant public dans la Dépêche de Kabylie, le télégramme de départ adressée par le commandement de la gendarmerie nationale à la brigade de Beni Douala. Ce document jète le trouble en remettant en cause l’identité de l’une des sœurs de la veuve du chanteur Nadia Matoub, selon ce rapport le jour de l’attentat c’est la sœur aînée Fadhma Brahmi et non Ouarda qui était présente dans la voiture. Ces révélations remettent question sérieusement la version des faits comme elle est présentée jusqu’à présent. Dans le même sillage elle demande l’audition par le juge instructeur de l’affaire de Fadhma Brahmi.

Dans une mise au point adressé au journal, Nadia Matoub qualifie ces révélations de tissu de mensonges. Pour la veuve du chanteur les seuls membres de sa famille témoins de l’attentat sont Farida et Ouarda. Quant au nombre d’armes à feu, quatre, avancé dans le rapport, est tout simplement erroné.

Cet épisode fait la lumière sur la manière dont l’enquête est menée par les services de sécurités. La non communication de ces éléments au juge instructeur par les gendarmes, qui sont sensés être sous l’autorité du procureur de la république, constitue une rétention d’information. Si un corps constitué piétine les lois qu’il est sensé faire respecter, que doit penser le citoyen qui est soumis aux mêmes lois ? Ce document est-il un vrai faux que les gendarmes ont fabriqué de toute pièces en se basant sur des notes que la sécurité militaire a rédigées sur Matoub Lounès? Notamment le nombre d’armes en possession du chanteur.

Néanmoins cette grotesque mise en scène, a levé le voile sur les craintes que suscite l’affaire Matoub Lounès dans une Algérie qui a cru passer l’éponge sur une décennie rouge, sans que les criminels de partie d’autre ne soient inquiétés. L’opportunité d’un procès à forte connotation politique dans une région à hauts risques, la Kabylie, comporte des risques réels de rééditions d’un printemps noir bis. Sur un terrain miné les décideurs se sont exercés à désamorcer les risques de débordements susceptibles de dévier l’opinion en dehors des objectifs initialement désignés par une feuille de route réglée comme du papier à musique. Scénario prévu pour enterrer à jamais l’affaire Lounès Matoub sans que, une justice digne de l’engagement de l’homme ne soit rendue.

Par cette campagne médiatique identique à une tempête dans un verre d’eau, la montagne ressent les premières contractions pour accoucher d’une souris. Les fossoyeurs des étoiles s’apprêtent dévoiler leur main lors d’une partie de poker lors de laquelle ils ont triché sans vergogne. Pour noyer le poisson, il gagne du temps en faisant un dernier tour macabre et sans honneur. Si la justice algérienne ne se décide pas à prendre au sérieux cette affaire quitte à faire tomber des têtes, d’autres juridictions s’en saisiront, ce jour là le petit de la chèvre sera dévoré par le vilain renard, qu’il soit imam ou général. En attendant, au tribunal de Tizi, le 25 de ce mois Hassan Hattab le chef du GSPC sera jugé pour tous ces crimes. Sera-t-il entendu dans l’affaire Matoub ? Présent ou par contumace, le procès de Lounès réunira dans le box des accusés… tous les tragédistes à l’algérienne.

                                                                                                                    Zahir Boukhelifa

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