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selloum village kabyle
31 décembre 2007

Regard sur l’année qui s’achève (rétrospective 2007)

Regard sur l’année qui s’achève (rétrospective 2007)
Le fil de la Dépêche

 

2ème Partie

" Qu'est-ce donc que le temps ?

Quand personne ne me le demande, je le sais ;  dès qu'il s'agit de l'expliquer, je ne le sais plus ".

  Saint-Augustin 

Le taux d’inflation, quant à lui, est officiellement maintenu sous la barre de 4%, une performance que certains analystes mettent en cause au vu de l’inflation généralisée des produits alimentaires.

Certains officiels n’ont pas pris de gants pour dire la réalité crûment. " Nous avons les ressources financières, mais cela ne suffit pas ", avouait Mourad Medelci, ancien ministre des Finances. L’Algérie l’apprend un peu plus chaque jour.

Les rentrées de devises issues de l’exportation des hydrocarbures n’ont jamais atteint le niveau qui est le leur aujourd’hui. La dette extérieure ne dépasse guère quatre milliards de dollars après les payements anticipés commencés sous le gouvernement Ouyahia.

L’inflation est officiellement maîtrisée au-dessous de 4% . Mais, au lieu des 6 ou 7%  de croissance attendue pour, le FMI n’escompte pas plus de 4 à 5%. Il faut dire, à ce propos, que la plus grande partie des investissements réalisés au cours de ces derniers mois et qui sont programmés pour les quatre prochaines années sont des investissements publics conçus dans le cadre du Plan de soutien à la croissance. Ils soutiendront la croissance dans la mesure où ils sont des projets structurants, susceptibles, à terme, d’attirer les véritables investissements via les entreprises industrielles, manufacturières, agroalimentaires, de prestations de services, etc. En quoi ces chiffres secs et ces prévisions, qui relèvent pour l’instant presque du virtuel- d’autant plus que des facteurs de blocage, comme le système financier suranné et les lenteurs bureaucratiques, se mettent au travers des plus énergiques initiatives), peuvent-ils influer sur la vie des citoyens ? L’ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour, parle carrément du risque d’une explosion sociale. Le chômage, la faiblesse du pouvoir d’achat et la situation socioéconomique générale de la population ne poussent pas à l’optimisme.

Société : progrès virtuel

Les populations de la Haute-Kabylie n’oublieront pas de sitôt les incendies exceptionnels qui ont ravagé forêts, maquis, oliveraies et … maisons à la fin de l’été dernier. Il y a eu mort d’hommes. Les enquêtes demandées par la société civile et même des partis politiques pour élucider l’ampleur et la facilité de la propagation de ces feux n’ont apparemment pas été suivies d’effet. Quelques semaines plus tard, c’est le déluge des orages d’automne qui se déversera sur toute la région du centre du pays. D’autres morts suivront. Dans l’Algérie de 2007, on continue à mourir bêtement parce qu’on a placé sa bicoque sur la berge inondable de l’oued devant les yeux hagards et ébahis de l’administration.

Beaucoup d’encre a coulé au sujet des augmentations des salaires des travailleurs. Après la signature du fameux Pacte social et économique en 2006, une première augmentation a suivi. Le SMIG est monté à 12 000 dinars. Entre-temps, hormis la Fonction publique financée sur le budget de l’État, les entreprises publiques et privées ont eu d’immenses difficultés à concrétiser la décision du gouvernement. Parfois, cela s’est fait au détriment de la santé financière de l’entreprise et même de l’emploi, sachant que des employeurs ont procédé à des compressions, à l’encouragement de la retraite anticipée et au recrutement très sélectif (évitant les pères de famille et augmentant le nombre de non-déclarés sociaux). Et voilà qu’une nouvelle augmentation prend effet à partir de janvier prochain. Le bon sens populaire a déjà donné son verdict : "Les futures augmentations sont déjà éliminées et consommées par les augmentations des prix que l’on vit depuis la rentrée sociale 2007".

Augmentations virtuelles quand vous nous tenez !

Pour ceux qui n’ont pas la mémoire courte, Bouteflika et Ouyahia ont, au début 2006, refusé d’augmenter les salaires ‘’nominaux’’ qui ne serviraient qu’à alimenter l’inflation. Seuls la productivité et le marché du travail- que sont censés commander la formation et la compétence- pourront induire le rehaussement du pouvoir d’achat sans passer nécessairement par l’augmentation des salaires. La ‘’cuisine’’ politique du sérail a, quelques mois plus tard, porté à la Chefferie du gouvernement Abdelaziz Belkhadem, et ce qui devait arriver arriva : populisme, démagogie et navigation à vue se disputent le vedette.

Le meilleur indice des dysfonctionnements de l’administration et de l’économie algérienne est sans doute le phénomène de l’émeute. Cette année, cette forme d’expression du malaise social a atteint son point culminant. Partout où les autorités locales sont absentes ou débordées, partout où le clientélisme, l’injustice et le copinage sont des modes de gestion et partout où la corruption est élevée en vertu, des soulèvements populaires ont été constatés. Les autorités se sont retrouvées désarmées devant la furie d’une jeunesse qui ne demande qu’à vivre dignement, d’écoliers qui ne demandent que le transport scolaire, la cantine ou le chauffage et de vendeurs à la sauvette qui ne réclament qu’un emploi pour se débarrasser d’un métier mis à l’index par l’administration mais qui est nourri par de gros bonnets de l’informel et du trabendo.

Pour les 2 000 DA accordés par l’État aux parents d’élèves nécessiteux, des bousculades devant la mairie sont monnaie courante et des émeutes  ont parfois éclaté. Des commerçants et des fonctionnaires aisés viennent parfois disputer cette obole à de véritables indigents.

L’année 2007 aura été l’année des ‘’harragas’’. Ce qui était, il y a quelques années, de lointains ‘’faits divers’’ africains ou de simples entrefilets de la presse suscitant la compassion des ONG humanitaires est en train de se banaliser- sous nos yeux hagards et impuissants- sur les côtes d’Algérie. Le nombre de jeunes fuyant le pays sur des embarcations de fortune et le nombre de naufragés rejetés par la mer ont fini par atteindre la sensibilité des pouvoir publics au point qu’un séminaire leur a été consacré par le département ministériel d’Ould Abbas. Mais, aucune mesure concrète n’est à retenir de cette énième réunion si ce n’est cette inutile métaphore du ministre de la Solidarité ‘’Les damnés de la mer’’. Même l’islamisme- hormis les agitations politiciennes brandies par une ‘’élite’’ située à la périphérie du pouvoir et/ou de la rente- ne constitue plus une alternative acceptable pour cette frange plongée dans une véritable déréliction humaine. Parallèlement, le phénomène du banditisme-parfois en jonction avec les réseaux terroristes- continue à plonger les populations dans la peur et la sinistrose (vol de voiture, faux ‘’faux’’ barrages [succulent jargon algérien], attaque à main armée, hold-up, rapts d’enfants,…).

Les Algériens ne comprennent pas ce qui leur arrive : l’État engrange des recettes phénoménales de pétrole et les réserves de change sont à un niveau historique. La frustration vient surtout du fait que les citoyens ne voient pas les résultats de la politique prônée par l’État en matière d’investissement et de création d’emplois.

Cela est d’autant moins tolérable que certains services sociaux continuent à enregistrer une régression inquiétante : accès aux services de santé et qualité des soins, adduction en eau potable, cadre de vie et hygiène de l’environnement, infrastructures de desserte, infrastructures et équipements scolaires,…

Dans les entreprises et les administrations, le dialogue social n’est pas toujours la règle. Le recours à la grève se trouve être la solution ultime sans qu’elle soit la plus efficace. Les cheminots et les enseignants universitaires se sont distingués cette année par des arrêts de travail qui ont fortement perturbé les activités de leurs secteurs respectifs.

Sur le terrain des luttes syndicales, les pouvoirs publics n’ont pas brillé dans la prise en charge du pluralisme des organisations syndicales. Mais cela ne veut aucunement dire que lesdites organisations se sont endormies sur leurs lauriers. C’est un combat de chaque jour. Rendons ici un hommage appuyé à Redouane Osmane du CLA qui nous a quittés l’automne dernier. Au sujet précisément de l’éducation, il y a lieu de noter cette désespérante sentence de Benbouzid : “C’est la dernière année des réformes”. La montagne a bien accouché d’une souris.

Culture : navigation à vue

La politique d’exhibition de circonstance comme les salons du livre, les galas et les festivals qui consomment de lourds deniers publics- continue malheureusement à dominer la scène nationale. Elle ne peut pourtant jamais remplacer une politique culturelle basée sur des institutions permanentes et des dispositifs stimulateurs à même de rendre accessibles les produits et les prestations de la culture  (relance des bibliothèques municipales et scolaires, réhabilitation des salles de cinéma, détaxation des livres importés,…). L’on peut schématiquement affirmer que plus on s’éloigne de la culture des occasions, qui ‘’folklorise’’ plus qu’elle ne sacralise la pratique culturelle, plus on se donne la chance et les moyens de toucher au joyau de ce qui fait le fondement même de l’homme et des valeurs de la citoyenneté : l’éducation et la culture. Au fait, en quoi un ‘’Mois du patrimoine’’ peut-il prendre la place d’une politique constante de promotion de la culture muséale ? De quelle façon un bref et pompeux séminaire sur le patrimoine immatériel saurait-il intéresser des jeunes évincés du système scolaire, rongés par le chômage et happés par une fausse modernité qu’alimentent  les nouvelles technologies  non encore intériorisées ni intégrées à notre système de valeurs ?

Qui n’a pas senti l’essoufflement et la banalisation de cette manifestation appelée ‘’Alger, capitale de la culture arabe’’ qui entame ses derniers jours? Après les premières salves folkloriques tirées le 12 janvier dernier, un air neurasthénique semble recouvrir cette manifestation censée maintenir la mobilisation culturelle pendant douze mois. C’est franchement en dehors de cette fête que se font- quand bien même ce serait dans le quasi anonymat- les efforts les plus méritoires pour la réhabilitation des valeurs culturelles du pays.

C’est ainsi que la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou a rendu un bel hommage à Iguerbouchène, un musicien hors pair ignoré par les siens. La France des couleurs, dernier album de Idir, a donné une autre dimension à la chanson kabyle pour qu’elle puisse intégrer l’immigration, une donnée majeure de la société kabyle. L’un des plus prestigieux prix littéraire-le Prix du roman francophone- a été décerné cette année à Hamid Skif, un écrivain algérien de valeur installé en Allemagne et qui a déjà obtenu en 2005 le Prix de la ville de Heidelberg.

Dans la semaine même, à la mi-janvier 2007, où fut donné le coup de starter à cette manifestation, laquelle, soit dit en passant, a requis un budget de 5,5 milliards de dinars, la salle de cinéma ‘’Rouiched’’ d’Hussein Dey vit une partie de sa toiture s’effondrer suite à quelques millimètres de pluie tombées la veille au cours d’une saison hivernale pourtant parcimonieuse en eau. Des lézardes étaient apparues sur le mur de la salle donnant sur la rue de Tripoli. Et dire que des travaux de réhabilitation y ont été effectués récemment par le CPVA.

Ayant hérité de la période coloniale de quelques 420 salles de cinéma- le parc le plus important d’Afrique et du Moyen-Orient selon le spécialiste du grand écran Ahmed Béjaoui- l’Algérie tourne actuellement avec un nombre ridicule de salles qui se comptent- celles qui comptent bien sûr- sur les dix doigts. Comment peut-on reprendre l’activité cinématographique dans un pays qui a oublié le grand écran, boudé la cinémathèque et laissé partir Boudjemaâ Karèche ? " Nous avons les intelligences et le savoir-faire ; nous avons des moyens financiers exceptionnels. Alors, que manque-t-il ? La volonté politique est encore absente et, sans elle, nous sommes condamnés à devenir les derniers de la classe ", ajoute Béjaoui. (El Watan-TV du 22 février 2007).

N’ayant pas le regard dirigé spécialement de ce côté- la volonté politique-, un cinéphile, Yacef Hacine pour le nommer, responsable de la boite AIV-Productions, a imaginé pour les Algériens un méga-projet consistant en l’installation de 400 grands écrans sous forme de multiplexes comprenant salles de projection cinéma, salles de théâtre, de musique, de vidéo-conférences, centres multimédias et librairies. Son projet qui serait bien accueilli par Mme la ministre de la Culture et dont la réalisation pourrait s’étaler sur deux ou trois ans " coûtera nettement moins cher que de rénover des salles anciennes ", assure son promoteur. D’ailleurs, une grande partie de ces salles se trouvent dans un état de dégradation avancé tandis que d’autres ont carrément changé de vocation, plus lucratives et moins instructives s’entend. Cela dit, il faut rappeler qu’un grand nombre d’anciennes salles souffrent aussi d’un litige juridique portant sur la propriété sachant que la période de nationalisation a laissé des séquelles.

‘’Alger, capitale de la culture arabe’’ bouclera le 12 janvier prochain 52 semaines de spectacles d’une inégale valeur. On ne peut pas prétendre en tout cas qu’une révolution culturelle a eu lieu dans notre pays rien que parce que beaucoup de bruit a été fait autour de cette onéreuse manifestation. Si une action redorant le blason du ministère de la Culture pouvait être enregistrée cette année sur le compte de ce département c’est sans conteste la reconversion des anciennes galeries algériennes en Musée d’art moderne. Un beau geste qui nous fait oublier un instant la transformation de certaines librairies en pizzerias. On ne peut faire la fine bouche devant aucune activité culturelle qui viendrait secouer la torpeur dans laquelle est plongé le pays depuis des lustres.

Néanmoins, le commun des citoyens aurait souhaité que, au moins, la même énergie et les mêmes dépenses consacrée à ‘’Alger, capitale de la culture arabe’’- sinon plus, pourquoi pas- soient consacrées au réveil culturel de tout genre. À quoi rime un Salon du livre dans un pays dont le système éducatif ne forme plus de lecteurs et dans un système économique qui, le restant de l’année, considère le livre comme n’importe quelle marchandise confinée à sa valeur vénale au moment où, dans le cadre de l’OMC, des pays européens font valoir l’exception culturelle qui va d’une simple statuette ou banal silex jusqu’à la production cinématographique ?  Jusqu’à quand continuera-t-on à considérer que la culture est un fait conjoncturel, sporadique, dont la seule ‘’vertu’’ est de faire du boucan et de s’entourer d’un terne halo de faux prestige ?

Le dernier Salon du livre d’Alger continue une tradition dont on n’a pas encore tiré un bilan. Symptomatiquement, lors de l’inauguration du Salon, ce ne sont pas les derniers best-sellers de la littérature mondiale ni le prix Nobel 2007 en la personne de Doris Lessing- une écrivaine de haute lignée au classicisme peu ordinaire- qui ont fait l’événement. C’était plutôt l’interdiction des livres subversifs et les sanctions ayant frappé les auteurs du livre scolaire contenant le texte de l’hymne national tronqué d’une strophe qui ont été montés en épingle. En résumé, ce sont les tares et les dérives de la société algérienne, faites d’un intégrisme religieux ayant happé de larges pans de notre jeunesse et d’un nationalisme ombrageux dont les excès politiciens se retrouvent au sein de l’école algérienne, qui viennent poursuivre leurs surenchères et leur combat de gladiateurs dans une arène destinée théoriquement au ressourcement culturel et à l’inspiration intellectuelle. Dans la pratique, la problématique du livre en Algérie dépasse largement le cadre d’une manifestation conjoncturelle aussi fastueuse soit-elle. Le socle primordial censé former le lecteur algérien n’existe pratiquement plus dans le pays. Hormis la génération des 35-50 ans qui a pu profiter des graines semées au lendemain de l’Indépendance, l’école publique s’est recroquevillée sur des programmes secs, sans âme et qui n’ont pas de prolongement dans vie et la psychologie des élèves. Les morceaux choisis de lecture et les lectures dirigées sont réduits à la portion congrue et ont évacué les auteurs qui ont ému et fait rêver les premières générations. Le renouvellement de la matière au fil des années n’a plus de fil conducteur et s’aventure dans des thèmes qui n’accrochent plus l’élève. "La culture est vitale pour l’être humain, car elle lui permet d’échapper à sa condition minérale. Mais en Algérie, on n’a pas encore compris cette problématique ", affirme Rédha Malek dans une conférence donné le 17 novembre dernier au nom de la Coordination républicaine. Tout un programme. 

Amar Naït Messaoud

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