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selloum village kabyle
31 décembre 2007

Réveillonner en Kabylie

Réveillonner en Kabylie
Veillées diverses, alcool et illusions du lendemain

Ca va des soirées mixtes et chaudes des salons feutrés aux veillées à l’ancienne mode des westerns prisée par les jeunes, en plein champ, dans une cabane abandonnée au tour d’un feu. Dans un cas comme dans l’autre la nuit promet d’être bien arrosée… Et puis il y’a ces bons pères de familles qui se contenteront de partager la bûche avec madame et les enfants devant la télé.

A Tizi-ouzou, cela fait bien longtemps qu’on s’est déjà mis au décor de fin d’année. Bien avant noël. Une aubaine pour certains commerçants d’un autre genre… Ils ont pris place depuis plusieurs jours déjà au centre ville, sur l’esplanade de l’ancienne mairie. Autour d’eux, une foule de gens est omniprésente. Elle se compose de tous les âges et des deux sexes. Mais ici la vedette ce n’est ni une blonde aux rondeurs extravagantes, ni la rare brune aux yeux verts de passage… On s’en fou complètement de Athmani, et de l’élimination de la JSK en coupe d’Algérie. Les deux rusés, improvisés pères noël de circonstances, sont les deux maîtres des lieux. Pas d’autographes ni photos gratuites en leur compagnie. Tapis dans leurs complets en rouge et blanc chacun à côté de sa calèche, soigneusement retapée, immobilisées l’une accrochée à un cheval, l’autre à une paire de chevreaux, ils s’offre à 100 DA la pause. Si la préférence de la photo minute vous tente dans ce décor assorti aux couleurs du grand sapin artificiel chichement orné de boules multicolores alors le prix double. Ca fait mal à la poche pour les grands mais on fait plaisir quand même aux bambins. Pour les pères noël, le marché est florissant… Une sorte de braderie de fin d’année à ne pas rater ! " Minimum, ils atteignent les cents photos par jour, ça leur fait mine de rien 10000 DA net d’impôt ", commente Nabil. Ce dernier n’est pas comptable mais juste un jeune vendeur de cigarette à la sauvette venu s’installer dans les parages. Il a " suivi le mouvement " dit-il. " Je suis là du matin au soir, je vois ce qu’ils font ", insiste t-il comme pour dire que lui il gagne beaucoup moins.

La dinde se fait aussi Miss en Kabylie

Depuis hier, les pâtissiers, et vendeurs de poulets se sont mis de la partie. A travers les rues de la ville, on a l’impression que les bûches sont partout… Leur prix est une histoire qui n’est pas tellement différente de celle des photos. Le chiffre est multiplié par cinq voir dix, c’est selon la taille du gâteau ! La dinde passe pour la reine des vitrines du poulet de chair. Comme partout ailleurs, pour la circonstance, elle se fait aussi Miss en Kabylie. Les trottoirs débordent. La circulation est aussi dense. Comme à la veille de chaque fête. Et les Kabyles en ont pris l’habitude d’en célébrer beaucoup. L’Aïd, avec et sans mouton, le Mouloud, la Saint Valentin, Moharem, Noël, le nouvel an, Yenayer, l’Achoura, la journée mondial du sida… Et cette fois encore La Kabylie ne restera certainement pas en marge du réveillon. Sauf que, à chacun sa manière de faire. Selon les moyens et les commodités qu’on peut s’offrir. Ca va des soirées mixtes et chaudes des salons feutrés aux veillées à l’ancienne mode des westerns prisée par les jeunes, en plein champ, dans une cabane abandonnée au tour d’un feu. Dans un cas comme dans l’autre la nuit promet d’être bien arrosée… Et puis il y’a ces bons pères de familles qui se contenteront de partager la bûche avec madame et les enfants devant la télé. Hacène n’est pas de ce genre. L’été prochain il bouclera sa deuxième année de mariage mais il ne compte pas se terrer chez lui comme il l’a fait l’an dernier. " C’étais obligé, nouveau marié donc je suis resté à la maison. Mais cette fois c’est déjà arrangé. Elle va chez elle et moi je sortirai avec des amis. Ca sera bien et pour moi et pour elle. Elle adore Aït Menguelet et moi Matoub donc on peut pas être à la même soirée ! " Hacène ne sourit pas aux répliques de ses potes qui l’accompagnaient. Djamel est aussi passé pour un homme " ordinaire ", c'est-à-dire marié. Il a acquis de l’âge, la trentaine, et une petite fille. Il habite dans un village de la commune de Tizi-ouzou.

A chacun son réveillon…

Son dernier réveillon, il l’avait passé " au garage avec des amis et la mascotte du douar, Amar férié, on l’appelle comme ça car il n’a jamais travaillé. C’est un phénomène, il faut le connaître et l’entendre parler en français… C’est à peu près le genre de Fodil Dob ou Bessam ! " Pour lui le réveillon c’est se lâcher, s’éclater au maximum. Et pour cela, il faut surtout " boire, bien boire ! " Le luxe ? Ce n’est pas non plus une utilité pour Brahim, Hakim, Saïd, Mourad et Marzouk, une bande de jeunes potes, des " ratés " de l’école fondamentale. Ils ont un destin commun : Leur richesse se résume à ce qu’ils portent, une boite de gel et un portable chacun. N’empêche qu’ils sont heureux ! Surtout quand ils ont quelques unités pour appeler ou biper à… " Ils n’ont rien mais ils ne manquent pas ", comme dirait l’autre. Pour fêter noël, Brahim est allé voler une poule dans le poulailler de sa maman. " On l’a grillé à peu près et on l’a bouffé à moitié crue. Le plaisir c’est d’avoir passé la soirée ensemble, de bons moments, la nuit, l’alcool ça transforme et on la refera ce mardi, c’est sur ! On fera un vœux à minuit peut-être que…" Le souhait de Hakim n’est pas de devenir ni ministre ni président. Juste…un garde rapproché de quelqu’un d’important. Il a une bonne corpulence, et rêve de se voir dans un beau costar, des Ray ban noires et une oreillette… Il dit qu’il tient déjà " le fil " avec une école de formation spécialisée en Russie. " C’est sûr que je reviendrais. Je ne vais pas la laisser ici (rire !) Et puis moi El Haraga, khatini ". Brahim lui est très tenté mais pas à n’importe quel prix ! " Moi je n’ai pas une qui m’aime qui me retiendrait. Si j’aurais le visa entre les mains je sais ce que j’en ferai. Mais pas risquer en mer ". Tous qu’ils sont au moins sont sûrs de voyager ce soir. " Pas besoin de prendre l’avion, une bouteille de vin et je vais ou je veux ", rigole Mourad. " Quand il boit, il parle plusieurs langues, comme Aït Ahmed ", enchaîne Saïd. Le groupe a de l’humour. Dès fois ça suffi pour noyer son chagrin, en papotant autour d’une bouteille, au téléphone quand il y’a de quoi faire passer la communication… Même si la réalité les rattrape à chaque fois ! 

" Haraga ? Une bouteille de vin et je vais ou je veux "

" Franchement, on n’est pas bien, on n’a pas toujours les poches pleines, ça arrive rarement d’ailleurs mais, par rapport aux filles, on ne doit pas trop se plaindre. On sort, on a le droit de veiller, on fait ce qu’on veut, on peut même pisser vers le ciel ! " Voilà qui concorde avec le ton de Lynda. Elle est universitaire, en deuxième année chirurgie dentaire. Elle avoue qu’elle a des parents cool qui lui permettent quand même de passer la quinzaine à la cité universitaire " sans problèmes " mais pas au point de lui accorder une soirée " suspecte " en pareilles occasions… " Je n’ai jamais eu de problèmes de ce genre avec papa, encore moins maman à qui je raconte tout mais pour les jours fériés j’ai toujours été à la maison. Que ce soit pour l’Aïd, le premier mai, le nouvel an, quand il n’y a plus d’études je rentre. Mais pour les week-ends, je peux toujours dire que je ne rentre pas, je reste pour travailler avec les copines à la cité. Ca arrive surtout en période d’examens. Il suffit que j’appelle pour les aviser. Mes parents ont confiance en moi mais je fais attention, je n’abuse pas. Ils y’a des limites à ne pas dépasser… " Ces limites c’est justement d’éviter tout ce qui est " haram. Le réveillon, je l’ai toujours passé chez moi, avec la famille. Ca serait bien d’être entre copines, on est plus libérées mais il y’a d’autres jours… Il y’a des habitudes qu’on ne peut pas changer. On vit dans une société musulmane quand même. On peut avoir un copain mais il faut rester sur ses gardes. Prendre un jus, une pizza mais pas sortir n’ importe où… Sinon on vous prend pour une… " Lynda insinue sur les milieux bronchés ou toute fille qui s’y rend est prise pour une fille de joie. Des milieux prisés par une autre catégorie de gens, plus nantie, aux porte feuilles bien gonflés de billets. Elle se veut plus branchée. Roule en carrosses bombées et a plutôt l’habitude de vivre la nuit. Elle prévoit sa soirée dans des établissements classe. Enfin supposés classe car la Kabylie n’en dispose pas vraiment de ce genre d’infrastructures, à quelques exceptions près. A l’hôtel Amraoua, le plus " étoilé " des établissements de la wilaya, les réservations restent toujours ouvertes. On annonce le chanteur Brahim Medani et d’autres, un plateau de divers genres musicaux en somme avec le comique Kelass pour l’animation. Mais ce n’est pas pour rien. La soirée avec dîner coûte 14000 DA pour le couple. Attention, la boisson n’est pas comprise… C’est juste pour vous aidez à quoi vous en tenir.

Djaffar

La Kabylie ne restera certainement pas en marge du réveillon. Sauf que, à chacun sa manière de faire. Selon les moyens et les commodités qu’on peut s’offrir.

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