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selloum village kabyle
6 novembre 2007

Bouira / Histoire

Bouira / Histoire
Vieilles cités de Kabylie (3e partie)

Après Béjaïa et Tiklat, nous traitons ici de l’histoire des villes de Bouira et du royaume de Kouko.

Bouira est souvent citée comme la troisième ville de la Kabylie, après Tizi Ouzou et Béjaia. Située au pied du versant sud du Djurdjura, elle ne s’élève qu’à 525 m d’altitude. Des traces du passage des Romains dans la région ont été retrouvées, mais on ne trouve nulle part mention ni d’une ville ni d’un camp fortifié : tout laisse donc croire que Bouira date de la période médiévale.

En tout cas, la première mention attestée que nous ayons de cette ville remonte au 11e siècle, quand, après avoir construit sa Qalaa, Hammad ben Bologhine, pour peupler sa nouvelle capitale, fait venir des habitants de Msila, qui se trouvent non loin de là, ainsi que de Hamza. Or Hamza était à l’époque le nom de Bouira. Le nom complet était plutôt Souk Hamza, du nom du fondateur supposé de la ville : Hamza ben al H’asan ben Sulmayman ben Ali ben Abî Talib, dont le tombeau se trouve dans les Hauts Plateaux.  On pense que ce saint homme, un noble qui descendait du cousin du Prophète, Ali ben Abî Talib, s’était arrêté à Bouira où existait, en toute vraisemblance, un village berbère.

Mais revenons à Hammad ibn Bologhine : s’il a fait venir des habitants de Hamza pour peupler sa nouvelle capitale, c’est que Hamza était, à l’époque, une cité importante. Et une chose était certaine : Bouira est antérieure à la Qalaa des Banu Hammad.

Cependant, en dépit de cette mention élogieuse, Bouira est peu citée : la cité a dû être annexée à différents royaumes berbères qui se disputaient alors dans la région. Cela ne l’empêchait pas d’être, en Kabylie un grand souk où affluaient les populations du Djurdjura : elle possédait d’importantes infrastructures pour recevoir les vendeurs et les acheteurs : caravansérails, auberges, hôtels…

Les Turcs vont donner à Bouira sa chance. Les Ottomans, en cherchant à soumettre la Kabylie, se sont d’abord installés au village de Sameur, mais ils finissent par chosir Bouira qui possédait sur toutes les localités de Kabylie l’avantage de se trouver sur l’axe Alger-Constantine : elle allait donc servir de relais entre les deux beyliks.

Au 18ème siècle, cherchant à renforcer leurs positions en Kabylie, les Turcs construisent un bordj, place forte, en fait véritable petite ville entourée de murailles, pour servir de poste avancé et de tour de guet. C’est le célèbre bordj Hamza qui va imposer sa présence dans la région et subsister jusque de nos jours.

Le bordj était construit sur une éminence, entourée de fossés, il était de forme carrée, entouré d’une muraille de dix mètres de haut, flanquée de canons, pouvant soutenir un long siège, en attendant les renforts d’Alger ou de Constantine. C’est là que résidaient les soldats chargés de collecter l’impôt et de réprimer les révoltes.

Le bordj avait la réputation d’être imprenable. Et pourtant il a été pris par les tribus kabyles en révolte contre les Turcs. Après le départ de ces derniers, il a été livré au pillage, puis abandonné.

Au 19ème siècle, quand les Français investissent le Djurdjura, ils vont chercher à s’emparer du Bordj Hamza pour y loger leurs troupes et en faire, comme jadis les Turcs, un poste avancé en pays kabyle. Mais l’expédition menée par le maréchal Valée échoue à cause d’une tempête de neige qui entraîne la mort de nombreux soldats. Il faut attendre la conquête de la région pour voir les Français s’emparer du bordj et y installer leurs troupes. Ils vont le restaurer et en faire le siège du caïd de Bouira.

Aujourd’hui, le Bordj est abandonné et menace, s’il n’est pas restauré de tomber de nouveau en ruines. La région perdrait alors un pan important de son patrimoine.

Kouko

Mieux qu’une cité, Kouko est un royaume et une dynastie qui, au temps des Turcs, a défrayé la chronique kabyle, menaçant directement la Régence d’Alger. Ce royaume tire son nom du village de Kouko, situé à à 8  km au nord-est de Aïn el Hammam, sur la route d’Azazga.

La dynastie a été fondée par la famille Belkadi (en kabyle : Ath al Qadhi) que les sources font remonter aux Idrissides,  dynastie arabe orientale qui prétendait descendre du Prophète. En fait, les Belkadi sont berbères, leur ancêtre, Abû al Abbas al Ghobrini, appartenant à la tribu kabyle des Aït Ghobri, originaire de la région d’Azazga

Né en 1246, Abû al Abbas était un érudit : grand cadi de la ville de Béjaia, il est l’auteur d’un dictionnaire célèbre des savants (tabaqât) de la ville. Les souverains de Béjaia l’appréciaient, mais il avait de nombreux ennemis : dénoncé comme espion, il est arrêté et exécuté. Sa femme et son fils ont réussi à s’échapper et à trouver refuge à Tunis où les Hafçides les accueillent. Le jeune al Ghobrini est pris sous la protection du roi, qui lui donne une bonne éducation, puis l’élève à de hautes fonctions. Il passera sa vie à Tunis où il fondera une famille. Ses descendants s’illustreront dans les lettres, les arts et les sciences, donnant de nombreux cadres au royaume hafçide.

Trois siècle après, un Belkadi, Sidi Ahmed, surnommé Atunsi, le Tunisien, s’illustre, en occupant pour le compte du roi de Tunis le poste de gouverneur de la ville de Béjaia.  Après quelques années d’exercice, l’homme, plein d’ambition, décide de retourner en Kabylie, le pays de ses ancêtres où il veut fonder une dynastie.

Il s’installe dans un village de l’Akfadou, Aourir, où il exerce son autorité sur les tribus de la région. Mais Aourir ne lui suffisant pas, il s’empare de plusieurs localités, s’étendant sur un territoire allant de Dellys à Jijel.

Taourirt, la première capitale des Belkadi, est abandonné au profit d’un village plus haut : Kouko, situé sur un piton surélevé, dominant la vallée de la Sébaou.  Le village paraît imprenable, ce qui n’était pas négligeable à cette période de guerres intertribales et d’invasions.

Ahmed Belkadi devient ainsi le chef d’un petit royaume qui prend le nom de ‘’royaume de Kouko’’.

Il tissera des liens diplomatiques à la fois avec Tunis, demeurée la protectrice de la dynastie, et la Régence d’Alger. Les Turcs feront souvent appel à lui, et, en temps de guerre, il fournira des soldats et des vivres. En 1514, il s’engage même, au côté des frères Barberousse, dans la conquête de Tlemcen, dont le roi venait de faire allégeance aux Espagnols. On sait que l’expédition a tourné au fiasco : les Espagnols, surpris par l’attaque, sont revenus et ont assiégé la ville. Aroudj résiste mais devant le nombre, il doit capituler : il s’enfuit de nuit, avec ce qui lui reste de soldats. Les Espagnols les rejoignent au lieu dit Oued al Maleh (rio Salado) où ils les massacrèment. Auparavant, Ahmed Belkadi, sentant la défaite, s’est retiré avec ses troupes, repartant en Kabylie. Ce départ inattendu a irrité Kheirddine, le frère de Aroudj qui va reprocher au chef kabyle sa défection. Les deux hommes se réconcilieront plus tard, pour des raisons d’alliance, mais cet épisode va empoisonner pendant longtemps leurs relations.

Vers 1519, les relations kabylo-turques vont se détériorer, quand Ahmed Belkadi se range du côté du roi tunisien Abou Abdallah, qui s’était lancé dans la conquête de l’Est algérien, pourtant sous l’autorité des Turcs. Ces derniers avaient chassé les armées tunisiennes et Khairddine s’apprêtait à les battre à plate couture  quand Ahmed Belkadi arrive à leur secours. C’est finalement l’armée de Khairddine qui doit battre en retraite. Ahmed Belkadi le poursuit jusqu’à Alger : Khaireddine, abandonné par ses troupes, se réfugie à Djerba et les troupes kabyles occupent Alger , une occupation qui devait durer près de sept années, avant que Khairddine ne revienne.

Par la suite la puissance des Belkadi a décliné et le royaume a perdu de sa puissance. Il aura tout de même marqué l’histoire de la Kabylie pendant plusieurs décennies. Après ses démêlés avec les Turcs, c’est à un autre royaume kabyle, celui des Ath Abbas de la région de la Soummam que Kouko a eu à se frotter.

S. Aït Larba

(A suivre)

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